CULTURE DE LA TERRE L’écoféminisme, c’est quoi?
Le mouvement écoféministe dénonce le système patriarcal comme responsable de la domination de la nature, de celle des femmes et des injustices qui en découlent. L’écoféminisme propose de repenser les systèmes socio-économiques pour sortir de l’exploitation mortifère. Nous évoquons ici les femmes qui l’ont fait connaître à travers le monde. En commençant par celle qui lui a donné son nom, la Française Françoise d’Eaubonne.
Le printemps est-il destiné à demeurer silencieux, comme le redoutait déjà dans son livre précurseur la biologiste Rachel Carson en 1962?», telle est la question que pose François Walter, l’auteur de Désir de printemps – Histoire sensible d’une saison*, fraîchement paru.
C’est en 1974, dans son ouvrage le Féminisme ou la mort, que l’écrivaine féministe et militante engagée Françoise d’Eaubonne définit ce courant naissant par le terme «écoféminisme»**.
Le titre de son livre est une référence à l’ouvrage l’Utopie ou la mort de René Dumont, le premier candidat écologiste à l’élection présidentielle française, en 1974.
L’écoféminisme de Françoise d’Eaubonne soutient que la révolution féministe est nécessaire à l’écologique, puisque c’est la domination des hommes sur les femmes et sur la nature qui génère la crise environnementale, celle-ci se résumant, selon elle, en deux fléaux: la surpopulation et l’agriculture intensive. Ainsi, l’exploitation de l’environnement et l’oppression des femmes peuvent se combattre ensemble.
Le mouvement, représenté par plusieurs ambassadrices dans le monde, est porté en Inde par Vandana Shiva et Maria Mies, au Kenya par Wangari Maathai, etc. Parce que les limites du patriarcat ont été repoussées partout sur la planète, il ne pouvait être que global. De nombreux mouvements pacifistes se sont créés, tels que le Woman and Live on Earth ou le Green Belt Movment, et des communautés, comme celle de Greenham Common.
On ne le répétera pas assez: l’écoféminisme dénonce la violence exercée sur les femmes comme celle opérée sur le vivant en lui trouvant une origine commune, l’oppression patriarcale. Ainsi, ce mouvement a pour vocation de libérer de cette domination mortifère qui régit la vie depuis la nuit des temps dans un continuum de violences, de maltraitances envers les humaines et la nature. On ne peut pas s’étonner que cette dénomination mêle le féminisme et l’écologie. En effet, tout est lié.
L’écoféminisme est l’affaire de tout le monde, et donc l’affaire du monde
Parler d’écoféminisme, c’est remettre au cœur du débat le vivant, défendre ses devoirs et ses droits. Anticapitaliste par excellence, la mouvance écoféministe prend racine dans l’anarchie. Comprenez par anarchie le refus de se trouver sous un joug, quel qu’il soit –même si nous savons qu’il a été créé et entretenu par des hommes. Comprenez aussi par anarchie la volonté d’en finir avec une société ultraconsumériste qui s’est perdue de vue après la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’objectif de l’écoféminisme est d’en finir avec le système patriarcal, destructeur de notre humanité. Il n’a pas pour but d’installer un système matriarcal –mais de parvenir à une égalité dans le traitement du vivant.
Certaines personnes peuvent avoir une vision un peu différente de l’écoféminisme, qui vont prôner une plus grande proximité entre les femmes et le vivant, se revendiquant d’une approche essentialiste du féminisme. Avec une dimension spirituelle développée et entretenue. L’écoféminisme, c’est aussi simple que ça. Aussi basique.
Le contraire de l’écoféminisme est l’exploitation à outrance du vivant –surtout des plus faibles– à des fins mercantiles. Voilà pourquoi ce terme ne pouvait qu’émerger de nouveau après soixante-dix ans de consommation sans foi ni loi. Voilà en quoi nous retrouvons les bases de l’intersectionnalité dans une vision globale du monde où nous vivons, sans œillères.
L’écoféminisme concerne tout le monde, aussi bien les femmes que les hommes. Redevenu «à la mode» dans les débats politiques, ce terme résume bien l’inéluctable constat: si nous ne modifions pas nos façons de vivre, nous courons non seulement à notre perte –mais aussi à celle des autres.
La rédaction
* Désir de printemps-Histoire sensible d’une saison de François Walter (2023, Payot).
** Issu des mots «écologie» et «féminisme», le terme est également une contraction de deux pensées dont Françoise d’Eaubonne se réclame: celle de Simone de Beauvoir (le Deuxième Sexe, 1949) dont Françoise a été l’amie, et celle de Serge Moscovici (la Société contre nature, 1972). D’autres infos ici
En savoir plus
LIVRE Le Printemps silencieux de Rachel Carson (1962), le Féminisme ou la mort de Françoise d’Eaubonne (1974), Ecoféminisme de Maria Mies et Vandana Shiva (1999), Reclaim d’Emilie Hache (2016), Etre écoféministe – Théories et pratiques de Jeanne Burgart Goutal (2020), l’Ecoféminisme dans la géopolitique de Rokhaya Samb (2016), Restons vivantes – Femmes, écologie et lutte pour la survie de Vandana Shiva (2022), Naissance de l’écoféminisme de Françoise d’Eaubonne, texte présenté et commenté par Caroline Lejeune (2021, hors collection, éd.Humensis), Un féminisme décolonial de Françoise Vergès (2019), Désir de printemps – Histoire sensible d’une saison de François Walter (2023). PODCAST Un podcast à soi Défendre nos territoires épisode 1 et les Terres de femmes épisode 2. Kiffe ta race Véganisme, écoféminisme… des trucs de Blanc.he.s? Présages, invitée: Emilie Hache. VIDEO de France Culture sur Françoise d’Eaubonne. Un quickie avec Elise Thiébaut au WeToo Festival. doc. Documentaire d’Arte: l’Ecoféminisme, d’où ça vient ?
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